...LU dans les nouvelles calédoniennes...un peu de coutumes...
Chers mariages coutumiers
Même si aujourd’hui les époux se choisissent plus librement, le mariage coutumier est une affaire clanique, symbole de l’union de deux clans plutôt que de deux personnes.
Reste que les échanges coutumiers lors du mariage coûtent cher et dépassent généralement le million. Le Sénat envisage une réforme.
Il y a quinze jours, le fils cadet du grand chef du district de Wetr à Lifou convolait « en justes noces ». Un mariage coutumier décidé et arrangé par les clans intéressés. Mais aujourd’hui, la plupart des jeunes gens sont libres de choisir leur futur(e). Le fils aîné du grand chef a d’ailleurs fait le choix de sa compagne.
«Les jeunes ne veulent plus que l’on choisisse pour eux. Ils désirent se marier avec la personne qu’ils aiment », confie Donatienne de Lifou. « Effectivement, les jeunes se marient aujourd’hui par amour, confirme Nicole Waïa, chargée de mission à l’Union calédonienne. Mais ils se marient toujours coutumièrement. Ils doivent s’assurer que leur place au sein du clan est assurée. »
Traditionnellement, la fille était réservée dès son plus jeune âge. Le garçon ne choisissait pas sa femme. Il fallait une fille possédant des richesses ou d’une lignée de chef. Il fallait chercher des clans puissants. Le mariage avait un sens essentiellement social, la femme permettant de tisser des liens entre les clans. « Les ramifications d’un mariage sont immenses », précise Nicole Waïa.
Aujourd’hui, même si certaines « pressions » existent encore, le choix des époux entre en compte. Ainsi, quand le clan décide de marier le garçon, il lui demande d’abord s’il a une fille à épouser. Si c’est le cas et que la promise est « acceptée », le clan va faire la coutume à la famille de la fille: argent, morceau d’étoffe, tabac..
Si le garçon n’a pas de préférence, on demande aux femmes du clan ou de la famille de choisir pour lui. Une pratique encore assez courante, dans les îles essentiellement.
Autant de régions, autant de mariages coutumiers différents. Et si quelques étapes sont assez similaires (lire notre encadré), chaque région a ses spécificités. Dans le Nord par exemple, les femmes de la famille de l’époux empilent des robes sur la future mariée pour lui montrer qu’elle est acceptée.
A Maré, un système de dons, contre-dons entre les deux familles se déroule avant le mariage. Ce système d’échanges, le « Ca wata », signifie de façon métaphorique « couper les jambes de la mariée ». Celle-ci restera ainsi à jamais dans sa nouvelle demeure. « Un mariage coutumier ne peut pas être défait sauf si le clan est d’accord. Et même si le couple divorce, les partenaires resteront toujours tributaires des clans », poursuit Nicole Waïa. Et si les époux décident tout de même de divorcer sans l’accord des clans, la situation de la femme devient difficile : « Elle retourne chez ses parents mais avec rien.
Elle perd tout : le nom, la maison... »
Reste que ces obligations de dons coûtent cher. Les sommes dépassent généralement le million. Or, les aspects économiques modernes, le chômage, rendent difficile la constitution de la « valise » (sorte de dot). Beaucoup s’endettent pour réaliser la préparation du mariage. Nombreux sont ceux qui souhaitent que l’apport en argent soit plafonné. « Mais il est difficile de plafonner car il y a une sorte de concurrence qui s’installe entre les personnes. C’est à qui fera l’apport le plus élevé », précise encore Nicole Waïa. Le Sénat coutumier, conscient du problème, réfléchit actuellement à une « réforme » du mariage.
Références : Mwa Véé, « Paroles de jeunes »
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Le chiffre : 1
Les sommes échangées lors des mariages coutumiers dépassent généralement le million de francs. Mais les montants peuvent parfois être considérables et atteindre plus de 20 millions. Cette pratique est relativement récente car, à l’origine, seules les ignames étaient échangées. Une dérive par rapport à la tradition que les coutumiers auront sans doute du mal à inverser.
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Cinq étapes communes
Même si les mariages coutumiers divergent selon les régions, cinq étapes bien définies restent similaires partout :
• La préparation des champs environ un an à l’avance.
• La demande de la main de la fille.
• La construction des baraques qui abriteront les invités et les dons à la tribu du garçon.
• Une semaine avant le mariage civil et religieux, les familles et les clans viennent pour apporter leur coutume : argent, étoffe, ignames, riz, sucre… Sur la Grande Terre, c’est surtout la monnaie kanak et les ignames qui sont utilisées.
• Trois à quatre jours avant le mariage civil et religieux toujours, la fille arrive à l’endroit où le mariage coutumier doit être célébré pour assister aux différentes coutumes présentées par les membres de la famille du garçon et pour être présentée à ses sœurs, cousines et oncles utérins.
Le mariage coutumier commence véritablement à l’arrivée de l’oncle maternel du garçon et se termine quand tous les clans sont entrés avec leur coutume.
A la fin du mariage, on annonce les parts de chacun. Une part pour la mère de la fille (wenehleng), une part pour le clan de la fille et ses invités (pua) et une part pour les jeunes mariés (hna trenamon). On termine toujours avec le mariage civil et religieux, suivi d’un repas de noces qui clôturera les festivités. « Le mariage civil intervient à la fin parce que c’est le mariage coutumier le plus important », explique Nicole Waïa.
Texte et photosPatricia Calonne
« Un mariage coutumier ne peut pas être défait sauf si le clan est d’accord. »