...Histoire de vous faire partager une tranche de
...Histoire de vous faire partager une tranche de vie d'une île du Pacifique SUD...
lu dans les "nouvelles calédoniennes": le seul et unique quotidien de cette île.....
Après plusieurs semaines de coutumes des différents clans et chefferie, Eulalie Hatre Taua et Jean-Louis Puionoti Zeoula ont scellé hier leur union à Lifou, conformément à la tradition.
Cela faisait un an qu’aucun mariage n’y avait été célébré. Tout le
district de Gaïca se réservait pour ce grand jour de fête. Et l’a
préparé pendant plusieurs années. L’annonce de la noce remonte déjà à
2007. Hier soir, Jean-Louis Puionoti Zeoula, fils et futur grand chef de
l’un des trois districts de Lifou et Eulalie Hatre Taua sont devenus
selon la coutume, mari et femme.
L’acte coutumier a été signé par les
deux époux et leur famille, peu après 19 heures, à la chefferie de
Dueulu, en présence de plusieurs centaines d’invités et proches, de
Lifou, d’Ouvéa, du Vanuatu, de la Grande Terre. La signature de l’acte
officiel fait suite à d’autres étapes de la coutume.
Un peu plus tôt
dans l’après-midi, les Mathine (oncles maternels) du marié, issus du
Wetr, ont accueilli la future épouse et sa famille à Dueulu. D’abord par
des danses, même si la pluie battait son plein. Ensuite par des
présents. Des manous, de l’argent, des petits paniers tressés en
pandanus offerts à Eulalie Taua, avec tout le nécessaire à la vie de la
maison. Puis par des chants.
Mathine. Pour
l’accompagner vers sa nouvelle famille, les Mathine ont ensuite dressé
une haie d’honneur. Place alors aux palabres, chères à la coutume.
Chaque dignitaire coutumier a ensuite longuement pris la parole pour
valider cette nouvelle union, peu commune. Perçue à Lifou et même
au-delà comme « le » mariage de l’année.
Pour nous, c’est une grande victoire de l’humilité.
Rang. Car l’épouse âgée de 31 ans, issue du clan Cipa, n’était pas destinée à un tel rang (lire ci-dessous). « En
épousant le futur grand chef, Eulalie aura un statut nous obligeant
nous, sa famille, ses parents, à l’aborder autrement, avec une marque de
respect supplémentaire, explique Patrice Zongo, membre du comité organisateur de l’évènement. C’est
d’ailleurs l’une des rares fois où l’on voit un grand chef descendre de
son trône pour épouser une fille d’un rang inférieur. Pour nous, c’est
une grande victoire de l’humilité. Ce mariage est aussi la célébration
des valeurs portées par notre futur grand chef : l’humilité, le respect.
Il a montré le chemin que son district doit suivre. » Si hier
soir, Gaïca était à la fête, l’émotion était palpable pour la famille de
la mariée. Qui n’aura plus le même rapport avec leur fille. Ses membres
l’ont clamé dans un chant en drehu spécialement composé pour
l’occasion. « Puionoti, vous êtes deux vous êtes un, le but est atteint. Vous êtes liés jusqu’à la mort. » Mais la célébration des noces ne s’arrête pas là.
Demain,
le maire, Neko Hnepeune, se déplacera à la grande chefferie de Dueulu
afin de procéder à l’enregistrement civil de l’acte coutumier, avant la
célébration religieuse, qui sera suivie d’une grande fête. En tout 2 000
personnes sont attendues pour célébrer ce mariage historique.
Catherine Léhé et Angélique Rouquié
La somme récoltée pour le mariage Zeoula devrait atteindre 30 à 40 millions de francs.
En épousant Jean-Louis Zeoula, Eulalie Taua accède au statut
d’isola, femme de grand chef. Une place coutumière, à laquelle sa
naissance ne la destinait pas, mais qu’aujourd’hui chacun lui reconnaît.
Portrait.
Eulalie
est originaire de la tribu de Dueulu, tout comme son mari. Ils se
connaissent depuis l’école, et se sont suivis pendant leur scolarité :
« On se connaît depuis toujours ! » Au début de leur histoire
d’amour, la relation était tenue secrète. De par sa naissance et la
place de son clan, elle n’était pas destinée à épouser le fils d’un
grand chef. Lorsque les choses ont dû être officialisées, Eulalie
l’avoue, elle savait que leur relation pouvait être rejetée, même si au
fond d’elle-même, elle gardait confiance.
Quand on interroge ses cousines sur les qualités d’Eulalie, elles répondent spontanément : « Ouverte, tolérante et accueillante. »
Des qualités qui ont certainement influencé la décision des autorités
qui ont officialisé ce mariage coutumier, certes, mais aussi d’amour.
Tout au long des échanges coutumiers, Eulalie a pris conscience de son
statut de femme publique. Elle représente désormais, elle aussi, l’image
de la chefferie. Cette nouvelle fonction n’effraie pas la jeune femme,
qui reste sereine. Seul petit regret du côté des cousines, qui ne
pourront plus plaisanter publiquement avec elle comme avant : « On
va devoir s’habituer à lui témoigner des marques de respect. Pour
l’interpeller, on ne l’appellera plus par son prénom Hatre, mais isola,
qui est, en drehu, la marque de respect pour une femme de grand chef. »
Le partage
Après l’acte coutumier d’hier, la journée d’aujourd’hui sera consacrée à d’autres coutumes, dont celle du partage.
Une
partie de la somme récoltée (Pua) reviendra au clan de la famille de la
mariée. Une autre (Zanethi) est destinée à la maman de la mariée pour
la remercier d’avoir élevé sa fille. Le reste est réservé aux mariés
pour débuter leur nouvelle vie (Hna Atremon).
Les festivités
Demain,
le maire de Wé, Neko Hnepeune, se déplacera à la chefferie pour
enregistrer civilement l’acte coutumier. De nombreux invités officiels y
assisteront dont le haut-commissaire Albert Dupuy ainsi que des membres
du gouvernement. S’ensuivra une cérémonie religieuse en l’église de
Dueulu. Place ensuite à la cérémonie de remise des cadeaux et aux
grandes festivités rythmées par un concert géant animé entre autres par
Dick et Hnatr ainsi que par Hnamus.
Le
district de Gaïtcha vit l’union de son futur grand chef, Jean-Louis
Puionoti Zeoula avec Eulalie Hatre Taua comme une fierté. Mais le
mariage de l’année, fruit d’une organisation parfaitement menée, a
nécessité quelques sacrifices.